Tell me a tale
That life will change
Eun-Ae avait 11 ans. La fillette avait appris à apprécier sa grand-mère. Elle n'avait peut-être pas de mère, ni de père, mais elle avait sa grand-mère. Cela suffisait amplement. La jeune fille l'aidait régulièrement à tenir sa boutique de produits naturels de l'île. Cela n'attirait pas vraiment les touristes. Au moins, elles pouvaient compter sur les habitués de la boutique. Il y avait aussi ces personnes, avec ces étranges présences.
« - Hey Eun-Ae, t'en a pas marre de trainer avec ces nulles ? s'exclama Kwang.
La jeune fille leva le nez de son livre. Autour d'elle, la discussion de ses amies s'arrêtèrent net. C'était Kwang. Depuis qu'ils avaient dû rendre un travail ensemble, il n'arrêtait pas de la suivre. Ses amies commencèrent à grincer des dents avant que l'une d'entre elle se montre quelque peu agressive. Les garçons rirent avant de la pousser parterre. Le livre d'Eun Ae fut propulsé au visage de Kwang. Les rires changèrent de camp.
« - Bien fait pour toi, le nul ! s'exclama une amie d'Eun-Ae. »
Les filles se retournèrent vers Eun Ae en la remerciant de son geste. Cette dernière les fixa incertaine. Elle n'avait strictement rien fait.
Les accidents se multiplièrent. Elle du se résoudre à aborder le sujet avec sa grand-mère. Un peu honteuse devant la seule figure familiale qu'elle avait, la jeune fille essayait de trouver une solution pour expliquer sa situation. La réponse de sa grand-mère fut immédiate.
« - Eun-Ae, que suis-je ?
La fillette pencha la tête ne comprenant pas le lien. Elle répondit toutefois.
-
Ma grand-mère ... ?Cette dernière secoua la tête.
- Que suis-je, Eun-Ae ? demanda la plus âgée.
-
Une sorcière, répondit la jeune fille.
- Qu'es-tu alors ? demanda de nouveau sa grand-mère.
Elle n'eut comme réponse que le silence.
- Eun-Ae, tu es une sorcière. »
Honnêtement, la jeune fille ne connaitra pas mieux sa grand-mère, elle insinuerait que cette dernière empruntait cette phrase d'une œuvre de fiction grand public.
Le soir-même, son apprentissage commença.
•••
Eun-Ae avait 15 ans. Elle commençait à revoir son jugement sur le fait d’être une sorcière. Être une sorcière, honnêtement, c’était mieux dans la fiction que dans la réalité. L’achat d’une baguette magique avait réussis à calmer ses émanations sauvages.
L’apprentissage des potions était une hérésie. Sa grand-mère s’acharnait à lui faire apprendre d’anciennes recettes de potions. Eun-Ae comprenait l’entêtement de sa grand-mère. Les potions étaient l’ADN de leur boutique. Pour faire des bonnes potions, il était nécessaire d’avoir des ingrédients de qualités. Sauf qu’il était maintenant inutile d’essayer de pratiquer cet art. La malédiction de la sorcière Carmine avait frappé. Il était depuis longtemps impossible pour une sorcière de créer autre chose qu’une tisane de thym. Il était obligatoire de passer par un être humain dans le processus créateur. Il était cependant difficile d’expliquer à un humain pourquoi il devait mélanger des yeux de tritons avec de la poussière de fée dans un chaudron à minuit tapante.
Il fallait dépasser les simples apparences. Dans ces grimoires ancestraux, c’était transmis certes les recettes de ces puissantes potions, mais également l’histoire de ces femmes ingénieuses. Dans un monde où les femmes étaient méprisés, elles arrivaient à imposer le respect et la crainte. Ces femmes étaient de véritables modèles. Quelles soient du camp du bien, du mal, elles s'étaient battus pour leurs convictions.
Eun-Ae les admirait.
•••
Eun-Ae avait 20 ans. L'adolescente qui n’en n’ai plus vraiment une était en retard. Elle avait trainé. Sa chère grand-mère lui avait demandé de lui chercher du ginsang sauvage. Cela ne se trouvait pas si facilement du ginsang sauvage. A peine revenue de ses cours universitaires, elle avait dû partir à la recherche de la plante sur les hauteurs de l’île. La nuit s’était couchée progressivement. Eun-Ae n’avait pas peur. La nuit lui appartenait, à elle et aux autres créatures de l’île.
Pourtant Eun-Ae avait un mauvais pressentiment. Alors que le vent sifflait dans la végétation luxuriante de l’île, elle chercha la présence de sa grand-mère. Elle n’eut aucun écho.
Eun-Ae eut beau courir dans les rues de la ville, quand elle arriva chez sa grand-mère, il était déjà trop tard.
•••
Eun-Ae avait 21 ans. Elle faisait surement une grave erreur. Pourtant, cette situation ne pouvait pas continuer. Les sorcières, comme toutes les autres créatures magiques avaient toujours pu compter sur leurs pouvoirs pour se sortir des situations les plus périlleuses. Persécutés, haïes, traqués, tués, les sorcières n'avaient jamais eu la vie facile. Leurs pouvoirs étaient essentiels pour se protéger.
Comme les autres espèces, les sorcières se trouvaient dans un équilibre instable, manquant de se rompre. Enfin jusqu’à ce que la sorcière Carmine intervienne. Cette sorcière avait voulu protéger les humains, des êtres parfois bons, comme mauvais. Mais en le faisant, elle avait déséquilibré un ordre étant déjà très précaire. Les sorcières se retrouvaient maintenant à la merci du rouge et du noir. Il était impossible pour Eun-Ae de rester neutre. Devaient-elle défendre la décision de son aïeul ou essayait de retrouver ses pouvoirs ? Eun-Ae, malgré son respect pour Carmine, choisit la seconde réponse.
Après la disparition de sa grand-mère, Eun-Ae avait essayer de garder l’espoir. Elle l’avait cherché dans tout les coins de l’île en espérant pouvoir sentir sa signature magique. Evidement, elle n’avait rien sentit. Cela faisait bien longtemps que sa grand-mère était partit. Elle avait supposé que c’était un coup des chasseurs. Sa grand-mère n’avait jamais caché la vocation magique de sa boutique. Elle n'avait jamais caché son aversion pour la malédiction. Cela aurait bien fini un jour ou l’autre de lui jouer un tour. Tuer une sorcière commerçante, c’était également limiter l’accès à des ressources magiques aux créatures de l’île. Eun-Ae ne pouvait pas se débarrasser de l’impression qu’elle passait à côté de beaucoup de chose dans cette affaire.
Quelque soit sa couleur, il était grand temps de remettre les choses dans l’ordre.