[event #1 Red moon] Dragon + dragon = ? | ft. Taeil

C’est une soirée plutôt simple. Le soleil se couche doucement pendant que je quitte ma station thermale laissant les quelques employés dans mon établissement afin qu’ils s’occupent des clients qui sont restés. Une journée plutôt normale et une soirée qui s’annonce l’être également. Sortant de mon travail, me retrouvant dehors, je m’apprête à marcher en direction de la maison. Je n’ai pas besoin de qui que ce soit sachant pertinemment à quelle distance que je dois marcher afin de tourner vers l’entrée. Par contre, je ne voulais pas. Regardant dans l’autre direction, la forge du padre des Kim s’y trouve juste à quelques pas. Depuis près de trois cent ans, la relation entre nous est tendue. À grande partie ma faute, mais aussi de notre négligence qui a failli coûter la vie de notre Haeri. Une erreur égoïste que j’avais commis en allant dans l’ordre noir. Voulant ma liberté, voulant me transformer entièrement à ma guise. De continuer d’être de vrais dragons fiers et malgré maltraités par certain. Je n’aurais jamais cru que ceux que je considérais comme mes amis, mes frères et mes sœurs d’arme puissent se jouer de moi et de kidnapper mon œuf. Depuis cet instant, je sais que Taeil me reproche énormément. Même si je lui avais donné l’endroit exacte pendant que moi, je m’occuperai de ces effrontés qui avaient pu me jouer dans le dos. Perdant la vue était mon châtiment que je devais avoir pour mon impulsivité et mon égoïste. Sauf que je ne croyais pas que cela pourrait changer également mon amoureux.

Devenant plus distant, préférant également ses moments de solitudes à la forge. J’hésite beaucoup à faire le pas et d’aller à sa rencontre. Je cherche un moyen que notre relation s’arrange de mieux en mieux au lieu d’avoir des petits piques par-ci, par-là… en vain. Je crains que je vivrai avec cela tout le restant de ma vie. Vivant avec les reproches, vivant du fait qu’on me pointe du doigt. Pour ma part, je ne dis rien du fait que Taeil puisse être dans la garde rouge. Je ne disais rien par le passé et je ne dis rien encore aujourd’hui. J’accepte ses choix qu’il fait et je le supporte dans toutes les voies qui puissent prendre. Le conseillant parfois malgré que cela ne sert à rien. Ces derniers temps, j’aimerais qu’on se redécouvre à nouveau. C’est si facile à dire qu’à faire. Pourtant, je me retrouve malgré moi devant la porte de sa forge et j’hésite d’y entrer ou non. Inconsciemment, j’avais marché en direction de l’homme en qui je suis amoureuse depuis plus des siècles et des siècles. Soupirant quand je touche à tâtons la porte pour retrouver la poignée de porte. C’est peut-être une mauvaise idée que je me retrouve à m’engouffrer dans le sanctuaire de monsieur, mais je veux lui proposer quelque chose.

Ouvrant la porte, entrant dans sa boutique. Je glisse mes mains sur les meubles qui doivent présenter les armes dont seul Taeil en est le concepteur. Marchant tranquillement avant d’effleurer une lame du bout des ongles. Touchant le côté affûté avec précaution en souriant avant d’aller toucher le pommeau du Katana. Je voudrais voir l’aspect, les couleurs, les détails, mais je ne peux le faire qu’avec mes doigts. « Déjà au toucher, elle est magnifique... » chuchotais-je en étant fière des exploits de mon époux. « Tae? » demandais-je pendant que je me dirige vers le bureau qui possède la caisse. « Ça te dit le resto comme les couples de cette époque? » Alors que le soleil descend de plus en plus à l’horizon pour se coucher, je n’aurais jamais cru que la lune rouge puisse apparaître le bout de son nez d’ici quelques heures.

La chaleur du feu chatouille mon visage pendant que l’enclume sonne entre mes mains. J’essaie de me concentrer sur la pièce en essayant d’oublier l’événement de ce soir. En effet, cette nuit est une lune rouge. C’est le genre de moment où l’Ordre se fait un malin plaisir à tenter des attaques contre la Garde. Je ne veux pas que la malédiction soit levée, elle est nécessaire pour l’équilibre entre les espèces. Les personnes comme moi ne savent pas utiliser leurs dons à bon escient, toujours à être égoïstes et cruels.
Et puis, la lune rouge, ça me rappelle aussi cette nuit. Ma pauvre Haeri à la merci de ces personnes, prête à se faire manger, quelques heures avant son éclosion. Si Hae Won avait été mon égoïste, tout cela ne serait pas arrivé. Je sais qu’elle a payé le prix pour son erreur et qu’elle regrette profondément ses choix de l’époque, mais je ne peux pas arrêter cette rancœur au fond de mon cœur. Elle a mis en danger notre enfant, notre seule fille. Si on l’avait trouvé quelques minutes plus tard, qu’est-ce qu’il se serait passé ? Si Haeri était morte ce soir-là, je ne sais pas de quoi j’aurais été capable.

J’ai l’impression d’être tous les jours tiré entre mon amour pour ma femme et le fait qu’elle ait trahi notre famille. C’est pour ça que j’ai préféré le terrer ici quand j’ai besoin de respirer. Il faut que je me ressource pour continuer à tenir le coup. L’handicap de Haewon a apporté un nouveau paramètre à notre relation et je ne sais pas si ça nous aide ou si ça envenime les choses. Je suis clairement devenu son auxiliaire de vie, prenant soin d’elle du lever au coucher. Le contrat dit bien « pour le meilleur et pour le pire, dans la santé comme la maladie », je n’ai pas l’intention de le contredire.

C’est alors que je pense à toutes ces choses que j’entends du bruit dans la boutique. Est-ce que ce serait un client ? Ou alors, peut-être mon fournisseur de métaux, il est censé passé aujourd’hui ou demain pour ma nouvelle livraison.
Je pose mon matériel et j’essuie mes mains pleines de suies sur mon tablier de forge. C’est une activité plutôt salissante. Alors que je m’apprête à accrocher mon tablier près de l’entrée, mon regard tombe sur mon invitée. Je connais cette silhouette plus que bien, je serais capable de la voir au milieu d’une foule bondée sans aucun problème. Et instantanément, ça me met de mauvaises humeurs, parce qu’elle sait qu’elle n’a rien à faire ici. Quand elle m’appelle, je m’appuie sur le tour de porte en la regardant, attendant de savoir ce qu’elle veut, même si ce n’est pas ma priorité dans l’immédiat.
Un restaurant ? Elle déroge à mon seul égoïsme pour me proposer un restaurant ? Elle sait très bien utiliser le téléphone et elle a le numéro de la boutique. M’appeler ne lui aurait rien coûté et j’aurais pu la rejoindre calmement quand j’étais prêt.

- Tu sais très bien que tu n’as pas le droit d’être ici, Haewon. Ce n’est pas une règle qui date d’hier, ça fait plusieurs décennies que je te répète que cette boutique est mon espace.

Elle n’en fait qu’à sa tête, parce qu’elle n’apprend pas. Elle est bien trop bornée. A croire qu’elle ne s’inquiète pas de savoir ce que je peux bien ressentir en la voyant envahir mon espace vital.

- Et avant même que tu râles, même Haeri n’est pas autorisée ici. J’ai besoin que cet endroit ne soit qu’à moi. Tu aurais dû m’appeler, je t’aurais répondu.

Je lui réponds toujours, parce qu’on ne sait pas ce qu’il peut arriver. Je réponds à tous les membres de ma famille, même si ça veut dire décrocher à quatre heures du matin à cause du décalage horaire.
Je ne suis pas vraiment sûr de vouloir lui octroyer de mon temps quand je vois le respect qu’elle me donne.

Mon égoïsme serait en train de détruire mon couple et peut-être même aller au-delà des options qui s’offre à moi ? Je le crains. Déjà l’idée d’avoir trahi ma famille me torture l’âme à chaque fois que je m’endors la nuit et à chaque fois que je me réveille le matin. À chaque moment de ma vie, lorsque je me vois aussi dépendante de mon époux, aussi aveugle. Je me déteste. Et à chaque fois que je prends une décision que ça soit spontanée ou pas ; je déçois un ou plusieurs membres de ma famille. Ce combat qui me coûtait mes yeux, ce combat dont Taeil m’avait retrouvé inconsciente et non-voyante, il était là, il était présent, malgré mes choix. Lui, cet homme qui a décidé d’aller dans la garde rouge. Même s’il n’avait pas perçu mon obstination pour être libre, même s’il n’avait pas perçu tous les efforts pour qu’on soit respecté convenablement. Je ne voulais pas qu’on soit maltraité comme que je l’ai été beaucoup plus jeune. Je ne voulais pas que les dragons puissent revivre ce que j’avais vaincu. Par le passé, nous étions respectés, idolâtrés, mais aussi crains car nous pouvions nous défendre redoutablement. Ce fut un choix que je regretterai jusqu’à ma mort. Un choix que je tente de réparer autant que possible et de retrouver la relation que j’avais auprès de mon mari. Cette complicité qui avait entre nous malgré nos différences, la petite étincelle à chaque chose qu’on faisait... Je sens que cela me glisse entre les doigts.

D’où le pourquoi je suis venue dans la forge de Taeil. Je sais que je n’ai pas le droit, mais l’odeur, le bruit. J’imagine encore mon homme concentré à marteler la lame qui est en train de façonner. Je le vois la sueur perlée sur son front et les muscles se contracter à chaque coup qu’il donne sur l’enclume. Ce fut une belle époque surtout que je le contemplais et qu’il me surprenait. Alors que j’avais les enfants, alors que je vendais les armes également. Je trouvais que cette époque était magnifique. La petite complicité était bien là malgré la guerre qui nous submergeait et nos vies de déménagement de ville en ville. Même si je rentre dans cette boutique, que je l’entends marteler avant de s’arrêter. Même si je n’ai pas du tout le droit depuis mon choix qui a fait rentrer de la rancune dans le cœur de Taeil. J’ai fait le pas. Il va croire sans doute que c’est un manque de respect sachant qu’aucun membre de la famille ne peut venir ici. Son sanctuaire. Sauf que le voir si distant, me terrifie que notre couple se brise officielle. Nous ne sommes pas ensemble pour le meilleur et pour le pire ? J’ai uniquement la sensation que nous sommes dans le pire de la relation. Avec mon état, avec nos comportements distants. Je soupire intérieurement sachant que j’ai fait une bêtise. Je m’apprête à me rebrousser le chemin. Pensant qu’il ne m’a pas entendu ou bien le contraire ; qu’il m’ignore, hélas non.

Me retournant en sa direction, le regardant sans réellement le regarder. Me reprochant de ma venue comme je l’avais imaginé. Mon enthousiasme de lui faire plaisir et de retrouver notre petite flamme s’effacent brusquement pour laisser place aux regrets encore une fois. Je ferme les paupières avant de tourner la tête. Qu’est-ce que je pourrais dire pour ma défense ? Rien du tout. Et même si je voudrais râler comme il me le dit ; ça ne sera pas le cas. J’aurais dû appeler oui, mais je ne l’ai pas fait. Je voulais lui parler, avoir sa compagnie. Autant pour se restaurant qui est uniquement une excuse pour faire sortir de sa tanière. « Décidément depuis les dernières décennies, je ne cesse de te décevoir et de te manquer de respect... je suis pathétique. » Je le sais clairement depuis le début, mais je n’aurais jamais cru que je continuerai à le décevoir de plus en plus. Et peu importe ce que je fais, je le déçois encore plus. Je me dirige tranquillement vers la porte de sortie en esquivant avec soin ses lames d’exposition. « En fait, sérieusement, qu’est-ce que je pourrais faire pour enlever cette rancune que tu as envers moi ? Tu es plus distant, tu m’aides par devoir, j’ai l’impression que notre flamme s’éteint... Tu ne vois pas que nous écopons de cette erreur ? Tu ne vois pas que je regrette amèrement ma vie pour cette erreur que j’ai commis ?! Je-… » J’avais regardé en sa direction, je me mordais intérieurement les joues. Les mots me brûlent les lèvres, se bousculent. Je soupire avant de lui faire un faible sourire. « Ça me manque de te voir travailler à la forge, mon dragon, tu sais que je te contemplais quand tu travaillais fort pour notre famille ? Tu es toujours mon idole. » Je me mets à rigoler subitement, mal à l’aise. Comment je me sens idiote à cet instant. « Il doit avoir une lune magnifique pour prendre l’air frais ce soir... » Je soupire avant de continuer. « On devrait faire attention, ces temps-ci, il y a un sorcier de l’ordre noir qui nous a pris en chasse. » Même si je ne fais plus partie de ce groupe pitoyable, reste néanmoins que j’avais donné toutes les informations possibles à Taeil et la garde rouge afin qu’il puisse faire disparaître cet ordre. Cependant, l’ordre reprendre étrangement ses activités et malheureusement récemment, j’avais croisé un durant ma recherche pour retrouver la vue.

Malgré toutes ces décennies et la punition que le destin lui a infligé, je gardais cette rancune envers cette femme, ma femme. Je n’arrivais pas à oublier cette nuit, elle repassait en boucle dans mon esprit dès que l’idée de renouer complètement avec Haewon me venait. Et ça, c’était quand on était dans un bon moment. Je vous laisse imaginer quand elle fait quelque chose alors qu’elle sait que ça ne va pas me plaire. Je suppose que c’est ce qu’on mérite quand on décide d’épouser la danseuse de son maître ?
Et bien sûr, après lui avoir fait remarquer son erreur, elle se met tout de suite à se faire des reproches. Je n’aime pas quand elle fait ça, je suis bien trop faible pour résister à sa petite bouille triste. Quoi ? Arrière-arrière-grand-mère ou pas, elle reste mignonne de temps en temps. Bon, quand elle a commencé à s’énerver, j’ai beaucoup moins apprécié. Je sais déjà ce qu’elle va dire, elle me l’a déjà sorti bien assez souvent. Je soupire, exaspéré, en écoutant encore une fois ses plaintes. J’observe ses yeux sans vie alors qu’elle les dirige vers moi. La flamme qui brillait dans ses pupilles autrefois me manque parfois. J’ai l’impression que plus les années passent et plus j’oublie la sensation d’avoir réellement son regard posé sur moi. J’aimais la façon qu’elle avait de glisser son regard sur mon corps l’air de rien pendant que je forgeais. C’était à la fois adorable et excitant d’une certaine façon.
Et comme si nous pensions à la même chose au même moment, elle évoque ses souvenirs de notre forge familiale d’autre fois. C’était une belle époque, j’aimais voir ses yeux briller devant mes créations alors que les garçons faisaient les idiots avec des armes de bois dans la cour de la boutique. C’était une époque à la fois calme et survoltée pour notre foyer. Je me relève doucement de l’entrebâillement de la porte où j’étais appuyé pour contourner le comptoir.
La lune magnifique, hein ? Les lunes rouges sont stressantes, mais ça reste un moment où nous pouvons déployer nos ailes. Ça me rappelle notre vie de jeune couple, quand on cherchait encore notre maison sans comprendre qu’on l’avait déjà. Je me rends compte qu’on est un peu retourné à cette étape où on recherche ce sentiment familier d’autrefois.
Et quand elle parle de l’ordre, mes membres se crispent. Même si elle n’est plus avec eux, je sais qu’ils la convoitent toujours. Ils ne sont jamais très heureux de perdre un membre après tout. Est-ce qu’elle s’inquiète ? Même si elle a perdu sa vue, je sais qu’elle n’a pas perdu sa force et qu’elle peut se défendre, mais je m’inquiéterais toujours un peu.

Qu’est-ce que je fais ? Je la rembarre ? Je fais un effort ? Ou bien, je l’ignore ? Je soupire une fois de plus, passant ma main dans mes cheveux. Je finis par me décider et je m’approche d’elle, posant la main sur son épaule pour lui confirmer que je suis bien à côté d’elle.

- Ce n’est pas seulement de la rancune Haewon et je n’ai pas la réponse non plus. Je pense que j’ai besoin de me comprendre aussi. Et ne dis jamais que je remplis mon rôle seulement par devoir, tu sais que c’est faux. J’ai juré de t’aimer et de te chérir pour le meilleur et pour le pire. Même si les jeunes de cette époque ne prennent plus ces mots au sérieux, ce n’était pas notre cas.

Et je sais que notre couple paie de ce froid entre nous, mais faire comme si de rien n’était ne nous apportera rien de plus que manger notre couple à petit feu. Si je fais comme si de rien n’était alors que je lui en veux, notre couple ne sera qu’une façade. Et je pense que ni elle, ni moi ne voulons ça.

- Si vraiment tu y tiens, on peut aller manger dehors. Mais il faut que tu comprennes que tu ne peux pas envahir mon espace personnel comme ça. J’ai besoin de me ressourcer et ma forge est l’endroit que j’ai choisi pour ça. Si tu as besoin de moi, il te suffit de m’appeler, je répondrais toujours. Tu le sais très bien.

Je ne peux pas céder là-dessus. C’est hors de question que je laisse mon havre de paix être envahi de cette façon par qui que ce soit. Je ne peux pas me concentrer sur moi-même si j’ai toujours une personne dans les pattes.
Je retourne vers le comptoir pour attraper un t-shirt propre et mes affaires derrière le comptoir. Je profite qu’on soit seul pour changer mon t-shirt au passage.

- Est-ce que tu as une idée d’où tu veux aller ? Je n’ai personnellement pas de préférence, donc je te laisse choisir.

Une fois changé, je récupère les affaires que j’ai mis de côté dont les clefs du magasin. J’éteins l’atelier et retourne vers Haewon pour attraper doucement sa main. Je ne suis pas sûr qu’elle ait perçu que je suis aussi près, après tout.

- Quant au chasseur, j’en fais mon affaire s’il tente de s’approcher des nôtres. Ce ne sera pas le premier qui regrettera d’avoir menacé notre famille.

Quoi ? Vous pensez vraiment qu’en tant de siècles, je n’ai jamais eu besoin de me débarrasser d’un nuisible ? Je reste un combattant et un membre reconnu de la garde rouge. Je suis parfaitement capable de remettre un avorton à sa place quand c’est nécessaire.
Je vérifie que tout est éteint et je tire Haewon derrière moi pour pouvoir fermer la boutique. Malgré toutes ces histoires, je n’ai pas de problèmes à la toucher ou à être familier avec elle. Je ne sais pas si c’est parce que ces gestes sont une part de mon mécanisme que je ne peux pas effacer ou si c’est signe qu’il y a de l’espoir.

De base, c’était supposé de partir sur une bonne intention. De vouloir lui faire une surprise, lui demander de sortir comme un couple normal et passé du temps ensemble. Toutefois, ça ne fonctionne pas au contraire, on me réprimande. J’ai terriblement la sensation que je fais tout de travers en tentant de réparer les pots cassés. Et dire qu’au départ, j’étais uniquement une danseuse de son maître, qui lui, a su capter que nous étions faits l’un pour l’autre. Nous mariant même si nous nous n’apprécions pas autant. Formant un couple éternel depuis ce jour. Malgré cela, il a fallu que je fasse une énorme bêtise. Il a fallu qu’une lune rouge apparaisse et maudisse tout le monde, surtout ceux maltraitants les humains. Évidemment, c’était hors de questions que je puisse être parmi les punis. Tout mon enfance était maltraitance et servitude. Tout mon enfance, il fallait que je vive auprès d’un humain et il me punissait régulièrement en guise de châtiment. J’étais bien plus dangereuse qu’eux, mais les avais-je tués intentionnellement ? Est-ce que je prenais leur vie dès quelque chose me déplaisait ? Pas le moindre du monde. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que je savais que ça ne se faisait pas. Et je pensais être la seule de mon espèce, depuis les apparitions des miens dont Taeil. Ce dragon dont je remémore son déhanchement à chaque fois. Ce dragon qui a su capter mon attention, il est toujours miens après tous ses siècles. Est-ce l’amour véritable ou de la pitié désormais ? Telle est la question.

Et puis, l’erreur dont j’ai commis me torture toujours l’esprit. Me fait horriblement mal à mon cœur malgré ses trois siècles. Je me vois encore en colère sur cette décision soudaine de cette sorcière puissante. J’étais hors de moi. Pourtant, je devrais comprendre ses intentions qui étaient pour le bien de l’humanité. Cependant, je m’en fichais. J’avais terriblement vécu dans l’esclavage et depuis mon mariage avec Taeil, j’ai connu cette liberté dont je n’ai cessé m’accrocher. Comme si on m’avait permis enfin de goûter ce que s’était vivre sans chaine aux poignets et aux chevilles. Puis, goûter aussi d’avoir une vie heureuse, entourés de nos enfants. Je n’ai pas pu le supporter. Désormais, je l’ai compris et je m’en veux terriblement. L’ordre faisait tout pour retrouver cette certaine liberté non pour une raison pacifique. Non pour avoir leur “apparence” et leur plein pouvoir. Il voulait ravoir cette certaine supériorité devant cette humanité. Toutefois, je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse prendre d’aussi grand moyen pour atteindre leur but. Je n’aurais jamais pensé qu’il puisse tromper un de leur congénère afin d’arriver à leur fin. J’ai trahi ma famille tout en me faisant trahir à mon tour. Je sais pertinemment que c’était le retour du karma, encore plus en perdant la vue. Peut-être que la vie serait différente si on m’avait permis de voir clair dans cette histoire ? C’est ce que je me dis depuis quelques décennies. Cependant, depuis cet incident, je suis incapable de retrouver l’amour passionnel de mon Garde Royal. Et peu importe ce que je faisais, j’avais la nette sensation que je descends davantage dans son estime. Alors soit, je le laisserai tranquille. Je l’attendrai aussi longtemps que possible. Dire que depuis cet instant, les oeufs se font de plus en plus rares, mais surtout inféconds. Même si nous étions arrière-arrière grand parents, j’aimerais retrouver la joie de vivre d’avoir une famille à s’occuper. Comme ça, l’idée que nous nous aimons toujours serait bien présent dans mon esprit et non l’inverse.

Sa main se posant sur mon épaule pour démontrer sa présence, je la prends doucement. Pendant qu’il m’explique son point de vue, tranquillement, je me retourne en sa direction et ainsi me coller contre lui. Je m’en fiche de cette odeur de sueur mélangé aux métaux et à son parfum. Nous avions vécu dans les moments les plus insalubres de la vie dont les bains se faisaient rares. Ce n’était pas cette “mauvaise odeur” qui allait me tuer de sitôt non ? C’est vrai ce qu’il dit. Ma voix de la raison. Déposant ma tête sur son épaule, fermant doucement les yeux, nous avons juré de s’aimer et chérir pour le meilleur et pour le pire. Même si je sens que notre relation est dans un gouffre constant, nous restons toujours ensemble. Puis pour être honnête, j’avais déjà songé de divorcer. Pas que je ne l’aimais pas, mais concernant sa rancœur et sa déception à mon égard. Le fait que j’ai trahi notre famille. Sauf que l’idée de m’en départir - même si je suis capable de me débrouiller malgré tout toute seule - était hors de question. Il est le dragon de ma vie immortelle. Ceci dit, je ne lui réponds pas sachant pertinemment qu’il n’a pas fini son monologue et j’ai bien raison en l’entendant casser le silence une fois de plus. « D’accord... je vais te laisser tranquille. » lui soufflais-je alors que mes doigts lui caressent sa joue avant de le libérer de mon emprise. Monsieur Kim devait se changer. Ce que j’apprécie de cette époque, Taeil a soudainement pris soin de lui, il doit être si beau, si irrésistible. En plus, il doit se teindre de temps en temps les cheveux non ? Je voudrais le voir au moins une fois... une dernière fois s’il le faut.

Il n’a donc pas de préférence pour le restaurant ? Je penche la tête sur le côté avant de me tourner vers la porte. Je tentais de réfléchir à quelque chose sachant que ce soir, c’est une lune rouge. Stressant pour beaucoup, mais c’est le moment dont j’attends avec joie surtout pour déployer totalement mes ailes et prendre ma forme reptile pour me dégourdir. Cependant, depuis que je suis aveugle, quand c’est le temps de voler, c’est davantage compliqué sachant que je ne peux pas voir. Certes, il y a mes autres sens, mais je ne capte pas tout. Si un avion est proche, je ne sais jamais dans quelle direction que je dois l’éviter et Taeil doit voler pour deux dans ce cas-là. Autant être une plaie jusqu’au bout non ? « Et si je faisais quelques encas et nous allons finalement rendre visite à notre maître ? » demandais-je finalement lorsqu’il me prend la main pour sortir de sa boutique. On pourrait lui rendre visite, non ? C’est quasiment le seul moment que nous avons pour nettoyer sa tombe, mais aussi l’honorer comme il se doit.  

Ceci dit, en sortant de la boutique, je souris quant à l’aura protecteur du forgeron. Il a toujours été ainsi et encore plus depuis l’événement. Comment ne pas apprécier ce trait de personnalité ? « Je l’ai confronté et il semble particulièrement vouloir les écailles de notre fille, des miennes. Il semble me vouer une haine sans limite pour avoir déserté l’ordre et fait des dégâts... Mais bon, tu sais que je serai capable de donner ma vie pour anéantir l’ordre pour avoir fait du mal à notre œuf. » Je soupire avant de lui embrasser la joue et ainsi relâcher sa main virile. La rage de ne plus avoir de liberté m’avait aveuglé et sans faire un jeu de mots aujourd’hui. J’entends un camion livraison qui arrive à notre direction. « Ta livraison est arrivée... » Lui déposant un petit baiser sur les lèvres, je m’éloigne de lui. « Je t’attendrais aussi longtemps que tu le voudras Taeil, j’espère que tu le sais. » Bon, aller, je dois préparer des encas pour notre voyage pour aller rendre visite à la tombe de notre maître.