Stardust
or do we gaze at them because we are human ?
Raconter ton histoire ? Oh, très peu pour toi, merci bien. Parler de toi, c'est quelque chose que tu n'aimes pas. Ça implique de soit mentir, soit de dissimuler, soit de se mettre à nu face aux autres. Pourtant, tu as eu une vie douce, sans accrocs. Famille aisée, liberté de faire ce que tu veux, ou presque, tu n'as rien à y redire.
Sauf que ton père est un loup-garou. Ton frère aussi. Mais toi ?
T'as raté le gros lot. Pas une goutte de sang magique surnaturel ne coule dans tes veines.
Tu es
humaine.
Du côté de tes parents, on va la faire courte. Papa est un loup, maman une chasseresse. Badabidoum, ils découvrent qu'ils sont des âme sœurs, ça fout la mayrde. Des années de cache-cache, quelques lames bien lancées, l'éclosion des sentiments, tralala blablabla, puis le mariage et un premier bébé. Évidemment, ta mère n'a jamais réussi à se faire accepter par la meute. Elle avait beau aimer ton père de tout son cœur, l’attitude ouvertement hostile des autres est finalement arrivé au bout de sa patience. Juste après ta naissance, elle a demandé le divorce. Oh, ça a détruit ton père, pour sûr. Il ne s'en est jamais remis. Jamais complètement. Ta mère l'aime encore, mais elle voulait pas qu'il se sente tiraillé entre elle et sa meute, qu'il devienne un solitaire parce qu'elle en avait ras-la-quiche de sa meute. Ils se voient encore régulièrement, histoire que ton père reste sain d'esprit... mais au fond, tu sais que voir les papiers du divorce a cassé quelque chose en lui.
Tu as vécu à moitié chez ta mère, qui a toujours fait de son mieux pour garder ses armes hors de ta portée, et ton père, où tu passais ton temps à le regarder gambader sous sa forme de loup, apprenant à ton frère aîné ce qu'il devait savoir sur sa condition de surnaturel.
Tu regardais avec une envie et une jalousie évidente, et quand tes petites jambes te menaient entre eux, poussée par l'envie de jouer, tu te faisais toujours sermonner. Gentiment, mais fermement. Mais dans chacun de ces sermons, un mot revenait sans cesse.
Humaine.
Tu as commencé à haïr ce mot, de tout ton être, de toutes tes forces.
Être humaine, ça signifiait n'avoir aucune valeur aux yeux de ta famille et de la meute. Ça signifiait que jamais tu ne serais comme eux. Que jamais tu ne serais acceptée parmi eux.
C'est devenu ton obsession. Tu voulais obtenir la reconnaissance de cette meute dans laquelle ton sang humain n'avait pas sa place.
Mais par où commencer ? Comment faire ? Des années durant, tu as un peu erré, cherchant à te rendre utile pour la meute, intégrant même l'Ordre Noir pour plaire à l'alpha, qui en était le Grenat, pour "faire comme les autres". Mais à part aider les sorciers et les sorcières de l'Ordre à préparer leurs dégoûtantes mixtures, tu n'avais pas grand chose à faire.
Au final, c'est la solution qui est venue toute seule à toi. L'alpha, le Grenat de l'Ordre, s'intéressa à toi. Il avait besoin de quelqu'un qui puisse infiltrer la Garde Rouge pour lui, quelqu'un de confiance et qu'on ne puisse pas relier à la meute. Tu étais réticente, parce que c'était une mission dangereuse, tu savais que tu risquais ta vie, quelque part. Puis il a sorti l'argument ultime, celui qui t'a fait flancher, celui qui t'a fait espérer. Si tu réussissais, tu aurais sa reconnaissance.
Et avoir la reconnaissance de l'alpha, c'était avoir la reconnaissance de la meute.
Ça a balayé ton hésitation comme le souffle du loup a fait s'envoler la maison de fétus de paille.
Ta mission était, à priori, simple : intégrer la Garde. Choper un max d'infos.
Mais l'alpha te prit à parti, un moment. Outre cette mission, il t'en confiait une autre. Surveiller le chef de la Garde. Devenir le plus proche possible de lui. Les infos récoltées devaient lui parvenir immédiatement, sans passer par d'autres loups, d'autres personnes. Tu n'as pas posé de questions, tu savais que ce serait inutile. En soi, que le Grenat cherche à espionner et surveiller son plus grand ennemi semblait logique. Mais c'était la manière dont il le demandait qui te perturbait.
Il y avait de la tendresse dans sa voix, quand il prononçait le nom d'Adam.
Mais qu'importe. Désormais, encombrée de tes deux missions, tu allais faire ton possible pour mettre fin à cette guéguerre, et enfin devenir un membre de la meute. Un membre humain, certes, mais une humaine reconnue et acceptée.
Même si au fond de toi tu sais que c'est impossible, que c'est un leurre et qu'on se sert de toi, il y a cette petite flamme d'espoir, soigneusement entretenue...